13ème édition
9 ET 10 OCTOBRE 2024
Paris - Porte de Versailles Hall 2.2

Le salon des solutions et applications mobiles

IoT : Et si on connectait le monde ?

Ville, santé, mobilité, industrie, énergie… Un « smart world » se dessine, dont le socle est l’IoT, l’Internet des objets en construction. Un monde à connecter sur lequel la Technoférence #22 portait une variété de regards affutés. Où il était question d’applications pervasives, d’autonomie énergétique, de planète augmentée et de lampadaires capteurs de bruit. Aussi bien que de vulnérabilités des objets, d’exigence éthique et de changement de paradigme industriel.

Ce qui apparaissait il n’y a pas si longtemps comme un monde futur est en train de se concrétiser. Les objets connectés en masse sont là : 8,3 milliards estimés fin 2017 selon le cabinet Gartner. Mais le chantier ne fait que commencer. La 22ème conférence technologique Images & Réseaux apportait une série d’éclairages sur ce grand bouleversement et les opportunités qu’il génère. Intitulée, « IoT : Et si on connectait le monde », l’événement se tenait le 05 octobre dans les locaux de l’Inria Rennes Atlantique. Avec un relais en visioconférence vers Angers, Brest, Lannion et la Roche-sur-Yon.

Le sujet est complexe, les enjeux multiples. Que la Technoférence attaquait en multipliant les angles : marché, verrous technologiques, sécurité, éthique… Avec aussi des exemples de projets et expérimentations en cours. En voici quelques points saillants.

 

Avec l’IoT, l’industrie électronique change de modèle

En ouverture Sébastien Rospide se montrait offensif et optimiste. Pour le directeur du cluster de l’Ouest électronique We Network, l’Internet des objets n’est pas une révolution mais « une accélération de l’industrie électronique ». Qui s’accompagne d’un déplacement de la valeur vers le B2B : le marché professionnel représente « 57% du marché IoT en valeur ».  Une opportunité pour l’Europe ? Oui, « parce que nous sommes positionnés sur les marchés qui bougent » : santé, ville, véhicules autonomes, industrie, logement notamment.

Ces différents marchés sont appelés à se décloisonner car désormais « tirés par l’usage » dans un monde devenu « Smart world ». Si bien que l’industrie électronique devra changer de paradigme : fini le temps de la production de masse, low mix high volume ; voici venu le temps de la souplesse et de l’hétérogénéité, high mix multiple volumes. « Sur la santé par exemple, on ne répondra pas de la même manière en France, en Allemagne ou en Chine. En face, il faut une production intelligente capable d’assembler avec une grande flexibilité. »

Cette nouvelle donne fait qu’en France et dans l’Ouest, « nous avons une carte à jouer ». Ceci grâce à notre rang de premier pays en Europe pour les services de production électronique. Auquel s’ajoute un positionnement en pointe dans l’IoT. Pour que le « Made in far West » se concrétise, le programme WISE impulsé par We Network cherche à jeter les bases de l’industrie électronique du futur dans l’Ouest.

 

Données, énergie : des travaux pour optimiser

Après ce tour d’horizon économique et industriel de l’IoT, place à la recherche technologique avec deux présentations de haut vol. D’abord Frédéric Weis de l’équipe TACOMA/EASE de l’IRISA. Le sujet : le développement d’applications pervasives dans un environnement IoT. Une approche qui s’oppose au traditionnel « déploiement en silo », où chaque service s’appuie sur un déploiement spécifique. Le modèle proposé est celui d’un environnement IoT décloisonné, « un espace intelligent », permettant de développer de nouveaux services à partir de l’existant. Pour cela, il faut « exposer les propriétés de l’environnement IoT aux applications pervasives ». Un travail de caractérisation des données disponibles et de croisement pour « fournir au développeur des abstractions de haut niveau ». Les obstacles sont nombreux : hétérogénéité des systèmes, étanchéité des silos applicatifs, manque de contextualisation des données. Que l’équipe de chercheurs cherche à contourner en développant « du middleware » : des outils logiciels.

Tout autre sujet avec Olivier Berder, de l’équipe GRANIT de l’IRISA. Puisqu’il s’agit cette fois de développer des capteurs sans fil autonomes en énergie. Notamment en focalisant les efforts sur la fonction la plus gourmande d’un capteur : la communication. Classiquement, la partie radio consomme de 30 à 70 milliwatts à comparer aux 5 à 10 milliwatts mobilisés par le processeur. Les stratégies sont multiples, par exemple : augmenter l’efficacité du traitement du signal pour « éviter les erreurs de transmission » ; traiter en local car « transmettre des données coûte cher » ; mettre au point un technique de réveil de la fonction communication, « wake-up radio ». Ceci pour éviter de consommer de l’énergie en « écoute radio » quand rien n’est transmis. Parmi les multiples méthodes à l’étude pour gérer une énergie dont la disponibilité est difficile à prédire : le contrôle flou (fuzzy control) et l’apprentissage par renforcement (machine learning) notamment.

 

L’hygiène et l’éthique pour répondre aux problèmes de sécurité et de droit

À suivre, Axel Dyevre, directeur associé du CEIS, faisait un point sur la sécurité. L’IoT change-t-il fondamentalement la donne ? Question à laquelle il répond par la négative : « Les problèmes sont déjà connus. » Tout en atténuant : « Ce qui change, c’est la surface d’exposition. »  De façon générale, il relativise. La plupart des vulnérabilités détectées ont été mises à jour « par des expérimentations ». Les objets connectés ne sont généralement pas la cible, mais ils sont utilisés comme « vecteurs d’attaques ». Et s’ils sont mal protégés, « c’est d’abord pour une question d’argent ». Également parce que le nombre exponentiel d’objets connectés repose sur « une faible diversité de composants ». Pour se prémunir, l’intervenant propose une matrice de gestion des risques à deux dimensions : en abscisse, les phases de développement ; en ordonnée, les usages. Pour lui : « Le plus grand risque vient de la configuration de l’objet. » Dans tous les cas, l’utilisateur doit être averti et formé : « 80% de la problématique de sécurité est dans l’hygiène informatique. »

Au tour d’Élisabeth Lehagre, juriste, et Annie Blandin, professeur de droit, d’aborder l’Internet des objets sous l’angle juridique. Un problème complexe par la multiplicité des acteurs et le caractère multidimensionnel de l’IoT, depuis l’objet physique jusqu’à l’utilisation des données. Si bien que pour modifier les règles : « On procède par petites touches. » Le monde physique est connecté à un monde virtuel, ce qui oblige à « repenser le statut même des objets ». Il devient de plus en plus difficile d’anticiper : « Le droit a ses limites, les questions se posent souvent sous l’angle éthique. » Le cas du véhicule autonome est exemplaire des nouvelles questions qui émergent en matière de responsabilité. En cas d’accident, qui est en cause : le constructeur, le distributeur qui assure l’entretien, le conducteur qui aurait dû prendre la main sur l’automatisme ? « L’opportunité d’accorder une personne juridique aux objets est une question qui se pose aujourd’hui. » Avec cette complexité de l’internet des objets, il convient de « connecter le droit à l’éthique ». Veiller au respect des personnes, surtout les plus vulnérables : les enfants, les personnes âgées. Veiller aussi à ce que les services soient réellement profitables : « Il n’y aura pas d’acceptabilité de l’IoT s’il n’y a pas de bénéfices sociaux. »

 

La ville terrain d’expérimentation

La Technoférence se concluait par deux projets en cours de développement. Le premier était présenté par Fabienne Andro, d’Orange. IoT explorer se propose d’être « un lien entre le monde connecté et le monde physique ». Une sorte de Google Maps de l’Internet des objets. Il propose une immersion en 3D dans l’environnement de la ville et de la maison pour naviguer et interagir avec les objets connectés. L’idée sous-jacente est de « replacer l’utilisateur au centre des services » en lui permettant de visualiser et de comprendre comment fonctionnera demain « notre planète augmentée ».

Ensuite venait CENSE, un projet ANR labellisé Images & Réseaux, présenté par Judicaël Picaut, de l’IFSTTAR. Son objectif : « produire des cartes de bruit réalistes ». La réglementation l’impose, les villes doivent établir des cartes des nuisances sonores. Une obligation qui ne trouve pas de réponse satisfaisante faute de moyens. Les cartes produites aujourd’hui le sont par calcul, sans données de terrain. CENSE propose une approche nouvelle de « fusion de données » entre des mesures sur site par des capteurs à bas coûts et des données issues de modélisation. L’autre originalité étant d’utiliser le réseau de lumière de la ville (CENSE sera expérimenté à Lorient) comme base du réseau de capteurs sonores. Pour les résultats, il faudra patienter : « Nous ne sommes qu’au début. Le projet se termine en 2020. »

Source: http://www.lemag-numerique.com/2017/10/iot-on-connectait-monde-10462

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